La sous-location non autorisée peut coûter cher au locataire… et rapporter gros au propriétaire.
Tel est l’enseignement que l’on peut retenir de l’arrêt très remarqué rendu le 12 septembre 2019 par la Troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation (Civ. 3, 12 septembre 2019, n°18-20.727).
L’affaire qui était présentée à la Cour de Cassation était très banale dans le monde d’aujourd’hui : dans le cadre d’un bail à usage d’habitation, le locataire principal décide de sous-louer le logement, via la plateforme en ligne AirBnb.
Cependant, le bailleur n’avait pas autorisé son locataire à sous-louer le logement. Lorsqu’il l’a découvert, le bailleur a intenté une action judiciaire contre son locataire.
La réponse de la Cour de Cassation est cinglante : « sauf lorsque la sous-location a été autorisée par le bailleur, les sous-loyers perçus par le preneur constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire ».
La conséquence juridique d’un tel raisonnement est simple : l’infortuné locataire doit reverser l’intégralité des sous-loyers qu’il a perçu à son bailleur.
Cette sanction est très forte et de nature à dissuader de telles pratiques. Rappelons que, dans le même temps, le locataire reste redevable du loyer normal. Le bailleur perçoit donc simultanément le loyer et le sous loyer.
La solution, prononcée pour la première fois par la Cour de Cassation, paraît totalement justifiée en droit.
En effet, l’article 546 du Code civil dispose que la propriété d’une chose donne droit sur tout ce qu’elle produit, et sur ce qu’il s’y unit accessoirement. Ce mécanisme s’appelle le droit d’accession.
Or, le loyer et le sous loyer sont les revenus produits par le bien immobilier dont le bailleur est propriétaire. Ces revenus reviennent donc naturellement au propriétaire bailleur, par accession.
Il est à noter que le locataire, lors de l’affaire, a tenté d’échapper à cette sanction, sans succès.
Tout d’abord, devant les premiers juges, il a invoqué l’enrichissement sans cause, en expliquant que le versement des sous loyers au bailleur provoquerait pour ce dernier un enrichissement dépourvu de tout fondement légal ou contractuel. L’argument a cependant été rapidement rejeté, puisque l’enrichissement du bailleur reposait, comme on vient de le voir, sur son droit d’accession, et reposait en conséquence sur un fondement légal.
Ensuite, le locataire, devant la Cour de Cassation, a en vain contesté le fait que les sous loyers constituent des fruits civils.
La Cour de Cassation ne peut que confirmer l’arrêt condamnant le locataire. L’article 549 du Code civil est clair à ce sujet : « Le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de bonne foi. Dans le cas contraire, il est tenu de restituer les produits avec la chose au propriétaire qui la revendique ».
Il ne semble exister aucune échappatoire pour le locataire. En effet, pour pouvoir prétendre au droit de conserver les sous loyers, il faudrait, pour le locataire principal, conformément à l’article précité, prouver qu’il se comportait de bonne foi comme le légitime propriétaire. Ce qui, en présence d’un contrat de bail, est manifestement impossible, puisque le locataire ne peut ignorer qu’il n’est pas le véritable propriétaire…
Tout locataire désirant sous-louer son logement, notamment via les plateformes en ligne, devra donc au préalable recueillir l’accord écrit de son bailleur, afin de se prémunir contre le risque de voir ce dernier se retourner contre lui.
Pour finir, il faut noter que cette décision, rendue à propos d’un bail d’habitation, à vocation à s’appliquer de manière bien plus large. En effet, la prohibition de la sous-location, sauf accord écrit du bailleur, établie en matière de bail d’habitation (Article 8 de la Loi du 6 juillet 1989), est également consacrée en matière de bail commercial (article L. 145-31 du Code de commerce), et en matière de bail rural (article L. 411-35 du Code rural et de la pêche maritime). Le principe résultant de cet arrêt devrait donc s’étendre aux baux ruraux et commerciaux.
Arnaud TOULOUSE
Avocat